I. LE SENAT LEGISLATEUR
Le Sénat dispose d’une compétence législative générale (art. 189 et 190 de la Constitution) mais la Constitution lui confère des prérogatives particulières, en matière de lois organiques, de droit électoral et de collectivités locales (art. 187 1) et 3) de la Constitution ).
LE DROIT D’INITIATIVE
Qu’est-ce que le droit d’initiative ?
Le droit d’initiative, c’est le droit de proposer à l’examen d’une assemblée, en vue de son adoption, un futur texte de loi. Lorsque le texte émane d’un sénateur ou d’un député, on parle de proposition de loi . Lorsque le texte émane de l’Exécutif, on parle de projet de loi.
Il appartient concurremment au Président de la République, au gouvernement, à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Le gouvernement est maître de l’ordre du jour prioritaire. Mais, si une proposition de loi n’a pas été examinée pendant deux sessions ordinaires successives, elle doit être inscrite en priorité à l’ordre du jour de la session suivante.
L’initiative des députés et des sénateurs ne peut toutefois s’exercer dans n’importe quel secteur : elle ne peut s’exercer que dans le domaine de compétence du législateur tel que le définit la Constitution en énumérant les matières qui relèvent de la compétence du Parlement.
Le domaine de la loi
1° – Garanties et obligations fondamentales du citoyen : protection des libertés publiques, sujétions imposées dans l’intérêt de la défense nationale et de la sécurité publique aux citoyens en leur personne et en leurs biens.
2° – Statut des personnes et des biens : nationalité, état et capacité des personnes ; régimes matrimoniaux, successions et libéralités ; régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales.
3° – Organisation politique, administrative et judiciaire : organisation générale de l’administration ; organisation territoriale ; régime électoral ; organisation générale des ordres nationaux, des décorations et des titres honorifiques ; règles générales d’organisation de la défense nationale, de la police nationale ; principes généraux et statut de la fonction publique ; statuts des personnels des corps de défense et de sécurité, des personnels du Parlement ; état d’exception ; création et suppression des établissements et des services publics autonomes ; organisation des juridictions de tous ordres et procédure ; statuts de la magistrature, des officiers ministériels et des auxiliaires de justice ; détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; organisation du barreau ; régime pénitentiaire ; amnistie.
4° – Protection de l’environnement et conservation des ressources naturelles.
5° – Questions financières et patrimoniales : régime d’émission de la monnaie ; budget de l’État ; définition de l’assiette et du taux des impôts et taxes ; aliénation et gestion du domaine de l’État.
6° – Nationalisations et dénationalisations d’entreprises.
7° – Régime de l’enseignement et de la recherche scientifique.
8° – Objectifs de l’action économique et sociale de l’État.
9° – Droit du travail, sécurité sociale, droit syndical.
LE DROIT D’AMENDEMENT
Que signifie : amender ?
Amender, c’est proposer une modification à un texte de loi au cours de sa discussion.
Cette proposition de modification, appelée « amendement », peut être faite, soit par le Gouvernement, soit par un parlementaire (député ou sénateur) en son nom personnel ou au nom de la commission dont il est le rapporteur.
Mais le droit d’amendement des parlementaires est soumis à certaines irrecevabilités.
Les irrecevabilités
1. Irrecevabilité financière
Les propositions et amendements formulés par les députés ou les sénateurs ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, soit une diminution importante des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique importante, à moins que ces propositions ou amendements ne soient assortis de propositions de recettes compensatrices.
2. Irrecevabilité législative
Le Gouvernement peut l’opposer s’il apparaît au cours de la procédure législative qu’une proposition ou un amendement n’est pas du domaine de la loi. En cas de désaccord entre le Gouvernement et le Parlement, c’est la Cour Constitutionnelle qui statue.
3. Irrecevabilité pour défaut d’examen
Le Gouvernement peut, après l’ouverture des débats en séance plénière, s’opposer à l’examen de tout amendement qui n’a pas été préalablement soumis à l’analyse de la commission saisie du projet.
II. LE SENAT CONTROLEUR
LE SENAT CONTROLEUR
C’est dans la définition de sa mission de contrôle que le Sénat présente la plus grande originalité. Aux techniques classiques de contrôle que l’on retrouve dans tous les parlements démocratiques contemporains, le Sénat, continuateur en cela du Sénat de transition de l’Accord d’Arusha, ajoute en effet une mission spécifique de contrôle des équilibres ethniques et territoriaux mentionnés dans la Constitution.
L’EXERCICE DU POUVOIR CLASSIQUE DE CONTROLE
Le rôle des commissions permanentes
Les commissions permanentes ont reçu une mission générale de contrôle de l’action gouvernementale. Elles suivent et évaluent cette action dans tous les secteurs de la vie nationale ainsi que la gestion des administrations, des sociétés publiques et d’économie mixte et peuvent, à ce titre, être saisies par toute personne physique ou morale.
Elles élaborent des rapports d’information qui peuvent faire l’objet d’un débat en séance plénière en présence des ministres concernés et se conclure par l’adoption de résolutions ou de recommandations.
Le recours à des commissions d’enquête
Si le Sénat souhaite effectuer un contrôle précis sur certains faits ou la gestion de certains services publics ou sociétés publiques, il a la possibilité de créer, par le vote d’une résolution, une commission d’enquête dont les travaux peuvent durer au maximum six mois.
Les questions des sénateurs
Les sénateurs peuvent utiliser 3 types de questions pour obtenir des informations de la part du Gouvernement :
- Les questions écrites : elles sont posées par écrit et il y est répondu par écrit dans le mois de leur dépôt. Elles sont transmises par leur auteur au Président du Sénat qui les notifie au Gouvernement et la réponse suit le même chemin en sens inverse.
- Les questions orales sans débat sont d’abord posées par écrit puis exposées pendant 5 minutes par leur auteur au cours de la séance plénière organisée à cet effet. Le Ministre concerné y répond oralement puis l’auteur de la question dispose à nouveau de 5 minutes de parole. Une séance hebdomadaire, en période de session ordinaire, est réservée par priorité à la discussion de ces questions.
- Les questions orales avec débat : le schéma est le même mais l’auteur de la question dispose de 15 minutes pour la présenter et tout sénateur peut également s’inscrire dans le débat pour une durée de 5 minutes au maximum.
L’EXERCICE DU POUVOIR DE REGULATION DU SENAT
Dans trois domaines, la Constitution attribue au Sénat une mission spécifique de contrôle qui s’analyse en réalité en une mission de régulation :
Le respect des équilibres de représentation
C’est tout d’abord le cas pour les principes philosophiques et politiques qui fondent la Constitution : le Sénat est chargé de contrôler l’application des dispositions constitutionnelles exigeant la représentativité ethnique et de genre et l’équilibre dans toutes les structures et institutions de l’Etat, notamment l’administration publique et les corps de défense et de sécurité. Ce devoir de vigilance confie au Sénat un rôle éminent dans le succès du processus de réconciliation nationale et de consolidation de l’état de droit.
Le respect des équilibres régionaux
C’est aussi le cas pour ce qui concerne l’aménagement équilibré du territoire : le Sénat peut mener des enquêtes dans l’administration publique et faire des recommandations pour qu’aucune région du territoire ou aucun groupe de population ne soit exclu du bénéfice des services publics.
Un pouvoir général de conseil
Enfin la Constitution attribue au Sénat le pouvoir de conseiller le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale sur toute question, notamment d’ordre législatif.
L’APPROBATION DE CERTAINES NOMINATIONS
La position particulière du Sénat au sein des institutions est également marquée par le pouvoir que lui confère la Constitution d’approuver les nominations aux postes les plus importants de la République. Les nominations, effectuées par le Président de la République, ne deviennent en effet effectives que si elles sont approuvées par le Sénat pour les fonctions suivantes :
- Les chefs des corps de défense et de sécurité
- Les gouverneurs de province
- Les ambassadeurs
- L’Ombudsman
- Les membres du Conseil supérieur de la Magistrature
- Les membres de la Cour Suprême
- Les membres de la Cour Constitutionnelle
- Le Procureur Général de la République et les magistrats du Parquet Général de la République
- Le président de la Cour d’Appel et le président de la Cour Administrative
- Le Procureur Général près la Cour d’Appel
- Les présidents des Tribunaux de Grande Instance, du Tribunal de Commerce et du Tribunal du Travail
- Les procureurs de la République
En conclusion, le Sénat présente des caractères originaux très marqués, le différenciant fortement de l’Assemblée nationale. Son mode d’élection, sa composition, ses fonctions en font une assemblée législative au caractère politique manifeste bien que non partisan, une assemblée également représentative des populations et des collectivités, une assemblée régulatrice dotée d’une fonction de vigilance particulière, bref une assemblée enracinée dans la réalité burundaise et profondément en phase avec les aspirations les plus fortes de la population : la réconciliation nationale, la stabilisation institutionnelle et politique, la modération dans l’exercice du pouvoir, au service de la paix et du développement équilibré.