I. INTRODUCTION
En date du 12 avril 2021, les sénateurs membres de la Commission permanente chargée des questions économiques, de l’environnement, des finances et du budget se sont réunis pour analyser le projet de loi dont l’objet est repris ci-haut.
La séance a été marquée par la présence du Ministre des Finances, du Budget et de la Planification Economique qui avait représenté le Gouvernement pour expliquer aux sénateurs membres de la Commission les raisons profondes qui militent en faveur de ce projet de loi et les éclairer sur certains aspects qui suscitent des interrogations.
Lors de l’analyse du projet de loi, la Commission s’est servi des documents ci-dessous :
Le rapport comprend :
La modification de la loi n° 1/17 du 25 septembre 2007 portant organisation du système statistique au Burundi vise à la rendre plus conforme au prescrit de la Charte Africaine de la Statistique qui a été ratifiée le 17 mai 2014 et à la Constitution de la République du Burundi.
Le projet de loi vient donc prendre en compte, en premier lieu, les principes statistiques fondamentaux qui ont été adoptés par les pays africains lors de la huitième session de la conférence des planificateurs, statisticiens et démographes africains qui s’est tenue à Addis-Abeba en mars 1994. En second lieu, le projet de loi vient intégrer les six grands principes tels que fixés par la Charte africaine de la statistique.
En effet, le projet de loi introduit :
Le projet de loi est subdivisé en 11 chapitres comptant au total 66 articles :
QUESTION 1 :
Au niveau de l’exposé des motifs paragraphe 2, il est mentionné que le projet de loi vient prendre en compte les principes statistiques fondamentaux qui ont été adoptés par les pays africains à la huitième session de la conférence des planificateurs, des statisticiens et des démographes qui s’est tenue à Addis-Abeba en mars 1994.
Monsieur le Ministre, pourriez-vous nous dire ce que ces principes pourraient apporter comme valeur ajoutée s’ils sont pris en compte dans la planification au Burundi ?
REPONSE :
Si ces principes statistiques fondamentaux (qui concernent l’indépendance professionnelle, la qualité, le mandat de collecte de données et les ressources, la diffusion, la protection des données individuelles, des sources d’information et des répondants ainsi que la coordination et la coopération) sont pris en compte dans la planification au Burundi, la valeur ajoutée qu’ils apporteraient, est énorme.
En effet, personne ne peut nier que nous n’avons pas besoin de données pertinentes, fiables et de bonne qualité que nous devons correctement exploiter pour pouvoir prendre des décisions. Sans elles, notre oreille peut n’entendre que les intérêts particuliers.
Par exemple, les médias braquent leurs projecteurs sur les situations extrêmes ou insolites. Nous entendons des discours enjolivés destinés à nous faire croire que nous vivons dans un monde fictif et l’on nous empêche de replacer les choses dans leur contexte. Tous ceux qui se cachent derrière ces situations s’appuient, pour cela, sur différents chiffres mal exploités, des statistiques déformées et sur le mépris du savoir. Ils profitent des émotions et des croyances de certains. La collecte de données factuelles est un travail qui exige une certaine humilité pour que nous puissions concrétiser nos ambitions. La confusion est totale lorsque les personnes avancent des chiffres différents.
Pourtant, les données ont un vrai rôle à jouer. Tous ceux qui s’intéressent à notre monde et qui souhaitent que nous réussissions en tant qu’individus, familles ou communautés se battent pour défendre leurs points de vue. Si nous ne savons pas ce qui se passe, si nous n’analysons pas ce qui fonctionne et si nous ne nous concentrons pas sur ce qui est important, nous avons peu de chances de tirer le meilleur de ce qui nous attend.
Il est essentiel qu’on fournisse des informations acceptées et utilisées sans contestation. Les principes fondamentaux de la statistique officielle réaffirment donc l’attachement à l’importance que les données soient bien présentées pour qu’elles puissent être comprises, acceptées et utilisées sans contestation, coupant court à tout débat houleux.
Il y a également une réaffirmation de l’attachement à la nécessité que la diversité des expériences des personnes que nos chiffres représentent se reflète dans les services statistiques, pour produire des données pertinentes sur ce qui les intéresse. Il y a enfin une réaffirmation de l’attachement au fait qu’il faille crier haut et fort qu’une mauvaise utilisation des chiffres fragilise la gouvernance. Bien utilisées, les données peuvent nous aider à :
QUESTION 2 :
Au niveau de l’exposé des motifs, paragraphe 3, il est indiqué que « …la statistique constitue un élément indispensable du système d’information d’une société démocratique, fournissant aux administrations publiques, au secteur économique et au public, des données concernant la situation économique, démographique, sociale et environnementale, …. »
Mais selon nos observations, il existe des administrations publiques qui travaillent toujours sur des bases statistiques dépassées ou erronées alors qu’elles ne devraient pas manquer de données statistiques actualisées étant donné que l’ISTEEBU est à leur disposition.
Monsieur le Ministre, qu’est ce qui empêche les études pour produire des données actualisées alors que l’ISTEEBU est à l’entière disposition de ces institutions ?
REPONSE :
Il y a un grand effort de notre système statistique national à produire des données actualisées dans tous les domaines de la vie nationale. L’utilisation de ces données pour la prise de certaines décisions appelle une auto-évaluation en vue de concilier les besoins très illimités et les ressources financières, malheureusement très limités, dont on dispose pour pouvoir les satisfaire et c’est à ce niveau où se trouve la grande équation en vue de prendre des décisions appropriées et soutenables financièrement.
En effet, il ne fait aucun doute que l’utilité de la statistique officielle résulte d’un cadre juridique et institutionnel favorable qui garantit la production de statistiques objectives et indépendantes, à l’abri de toute ingérence.
Or, l’une des motivations les plus fortes pour la production de données et d’informations tient à l’utilité qu’elles présentent pour la prise de décisions fondées sur l’analyse des faits. 2
Pour être pertinentes, les statistiques doivent répondre à une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :
Les décideurs à différents niveaux doivent s’en inspirer pour prendre des mesures appropriées et soutenables dans le temps et dans l’espace.
QUESTION 3 :
Selon l’article 7 au niveau de l’alinéa 2 du présent projet de loi, les données obtenues à l’issue d’un dénombrement administratif tiennent lieu de statistiques.
Monsieur le Ministre, est-ce que les services statistiques à la disposition des institutions administratives disposent de technicité suffisante pour produire des données statistiques ?
REPONSE :
Presque tous les ministères du Gouvernement du Burundi sont actuellement dotés de services statistiques sectoriels qui produisent des données statistiques. Pour preuve, sur les 17 services statistiques qui existent 16 ont déjà produits des annuaires statistiques de très bonne qualité. Tous ces services bénéficient, par ailleurs, de l’appui technique de l’ISTEEBU par des formations diverses ou même l’intervention directe des cadres de l’ISTEEBU sur des travaux ponctuels. Il y a des ministères dans lesquels l’ISTEEBU a détaché du personnel.
QUESTION 4 :
L’article 22 du présent projet de loi dispose que toute enquête d’envergure nationale, provinciale ou communale, organisée par des chercheurs, des institutions privées ou des organisations non gouvernementales nationales et internationales doivent requérir un visa statistique du Ministère ayant les statistiques dans ses attributions sur avis d’opportunité et de conformité du CTIS ainsi que l’avis d’éthique délivré par le Comité National d’Ethique.
La demande du visa est faite par le Ministre sectoriel concerné et adressée au Ministre ayant les statistiques dans ses attributions. Elle doit être formulée au moins deux mois avant l’exécution de l’enquête.
Monsieur le Ministre, ne trouvez-vous pas que cette formalité de demande de visa statistique risque de constituer une lourdeur administrative qui pourrait handicaper les activités de planification des entités décentralisées et à gestion autonomes ?
REPONSE :
Le visa statistique a été institué pour éviter l’anarchie qui commençait à s’instaurer dans le domaine des enquêtes statistiques par l’immixtion des ONGs et d’autres particuliers. La conséquence était la production de statistiques redondantes, divergentes et de très mauvaise qualité. L’objectif est plutôt de mettre de l’ordre dans ce secteur et surtout l’amélioration de la qualité des données produites selon l’art statistique internationalement reconnu. Il n’y a aucun problème de lourdeur administrative si les demandeurs de visa statistique respectent le temps exigé pour en faire cette demande qui est de deux mois avant le début des travaux de collecte car une enquête ne s’improvise pas mais doit être planifiée avec toute l’attention qu’il faut pour pouvoir parvenir aux résultats escomptés.
QUESTION 5 :
L’article 32 du présent projet de loi stipule que les bases de données protégées portant sur les individus et les autres institutions sont accessibles aux chercheurs qui, en contrepartie, s’engagent par signature d’une convention à ne pas communiquer à des tierces personnes le contenu de ses bases de données.
Cependant, les chercheurs exploitent ces données pour réaliser des travaux qui finiront par être publiés.
Monsieur le Ministre, n’y a-t-il pas remise en cause du caractère confidentiel du contenu de ces bases de données ?
REPONSE :
Les statistiques sont un bien public auquel tout le monde doit accéder tout comme le soleil ou l’éclairage public. Cependant l’accès aux bases de données doit respecter effectivement une certaine réglementation pour assurer la confidentialité. C’est pour dire que les bases de données auxquelles le public ou les chercheurs ont accès sont anonymisées pour que ces derniers ne puissent pas reconnaitre les fournisseurs de données. Pour cela, plusieurs techniques statistiques sont mises à profit.
QUESTION 6:
L’article 39 dispose que l’Autorité statistique nationale et les services centraux des statistiques ministériels s’attachent à évaluer et améliorer constamment la qualité des statistiques officielles en termes de pertinence, d’exactitude, de fiabilité, d’actualité, de transparence, de clarté, de cohérence et comparabilité.
Par ailleurs, dans le cadre de la planification locale, il y avait eu un projet qui travaillait avec les services provinciaux en charge des monographies et qui relevait du Ministère en charge de la planification.
Monsieur le Ministre, peut-on espérer que le projet de loi en cours d’analyse vient aussi redynamiser ces services provinciaux pour améliorer la collecte des données statistiques ?
REPONSE :
Par le passé, le ministère ayant la planification dans ses attributions a mis en place les antennes provinciales du plan puis les services de planification locale. Leurs missions étaient, entre autres, de collecter des données dans les provinces, d’élaborer les monographies des provinces et plus tard les Plans Communaux de Développement Communautaire (PCDC). Aujourd’hui, les antennes du plan ne produisent plus les monographies provinciales. Par contre, l’ISTEEBU a créé des bureaux provinciaux dans toutes les provinces et des bureaux régionaux. Leur rôle est de collecter et compiler des données statistiques dans les différentes provinces. Ils ont aussi commencé à produire des « Profils socio-économiques des provinces »
QUESTION 7 :
L’article 46, alinéa 1er du présent projet de loi stipule que « toute personne ou toute institution qui, sans raison valable, se rend coupable de refus de réponse, de transmission de réponses incomplètes ou délibérément fausses, de non-respect de délais dans le cadre d’enquêtes à caractère obligatoire est punie d’une servitude pénale de quinze jours au maximum et d’une amende de dix mille à deux cent mille francs burundais ou l’une de ces peines seulement.»
Une servitude pénale est également prévue à l’article 48 pour tout organe, institution ou individu qui fait des enquêtes statistiques au niveau national, provincial ou communal ou qui publie des données ou informations tirées d’une enquête d’envergure nationale, provinciale ou communale sans demande préalable de visa statistique.
Monsieur le Ministre, ne trouvez-vous pas qu’une amende de deux cent mille francs burundais pour une institution ou un organe n’est pas très contraignante, étant donné que pratiquement une institution ou un organe institutionnel ne peut pas être puni d’une servitude pénale ?
REPONSE :
Les pénalités fixées dans la nouvelle loi restent dissuasives et marquent un changement par rapport au passé pour ceux qui refusent de fournir les données ou ceux qui se rendent coupables du non-respect du secret statistique. S’il advient que le montant des pénalités se révèle dérisoire et ne produit pas les effets escomptés, la loi sera revue en conséquence.
N° | MATIERE AMENDEE | AMENDEMENT | MOTIVATION |
1 | Article 2 : -2ème définition, 1ère ligne -17ème définition, 3ème ligne | -Supprimer le mot « est » après la virgule -Ecrire le mot « ministre » avec une majuscule | -Correction d’une erreur de forme -Respect des usages |
2 | Au niveau du titre de la section 2, page 12 | Remplacer le mot « statisque » par « statistique » | Idem |
3 | Article 20, alinéa 2, 4ème ligne | Supprimer la virgule après le mot « peuvent » | Ponctuation inutile |
N° | MATIERE AMENDEE | AMENDEMENT | MOTIVATION |
1 | Article 2, à la 10ème définition, 9ème ligne | Mettre le participe passé « destinées » après le mot « données » | Omission |
2 | Article 30 | Commencer le Serment par « Moi (Nom et Prénom), ….. » | Respecter la formule usuelle des serments. |
3 | Après l’article 44 | Restaurer le chapitre 9, version du gouvernement ainsi que tout son contenu, libellé comme suit : « CHAPITRE IX : DES RESSOURCES FINANCIERES Article 45 : Les ressources financières pour couvrir les dépenses liées aux activités statistiques proviennent : Du fonds statistique ;Des dotations budgétaires des ministères concernés ;Des fonds alloués par les responsables de projets et/ou organismes nationaux, internationaux ou autres commanditaires ;Du produit de l’activité des services, y compris la vente de publications ou d’informations figurant dans les banques des données et les prestations de service ;Des subventions, des dons et des legs. » Et la numérotation chapitres et des articles qui suivent change en conséquence comme suit : Le CHAPITRE IXdevient X ;L’article 45 devient 46 ;L’article 46 devient 47 ;L’article 47devient 48 ; L’article 48 devient 49 ; Le CHAPITRE X devient XI ;L’article 49 devient 50 ; L’article 50 devient 51 ; L’article 51 devient 52. | Il est important de préciser la provenance des ressources de l’ISTEEBU car il traite des données qui revêtent un cachet de souveraineté. |
Le projet de loi sous analyse modifie la loi n° 1/17 du 25 septembre 2007 portant organisation du système statistique au Burundi. Il vise à la rendre plus conforme au prescrit de la Charte Africaine de la Statistique qui a été ratifiée le 17 mai 2014 et à la Constitution de la République du Burundi.
Le projet de loi prend en compte les principes statistiques fondamentaux qui ont été adoptés par les pays africains lors de la huitième session de la conférence des planificateurs, statisticiens et démographes africains qui s’est tenue à Addis-Abeba en mars 1994 et intègre six grands principes fixés par la Charte africaine de la statistique.
En outre, ce projet de loi introduit l’obligation de répondre aux questions statistiques et l’affirmation du secret statistique pour protéger les répondants, les dispositions spécifiques des sanctions pénales, la mise en place de la redevance statistique et la possibilité de créer des filières de formation statistique dans des écoles et centres de formation spécialisés.
Pour toutes ces raisons, les membres de la Commission permanente chargée des questions économiques, de l’environnement, des finances et du budget qui font d’abord leurs certains amendements de l’Assemblée Nationale demandent à l’assemblée plénière du Sénat d’adopter à l’unanimité le projet de loi moyennant les amendements proposés.
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