Le peuple burundais aspire à une justice efficace, équitable et impartiale, accessible à tous, une justice respectueuse des droits humains et particulièrement sensible à la situation des plus démunis.
La Constitution de notre pays en son article 38 rassure le citoyen demandeur de justice ; elle stipule que : « Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit entendue équitablement et à être jugée dans un délai raisonnable ». L’article 13 de la même loi inclut l’accès égal de chacun à l’institution judiciaire pour la reconnaissance de ces droits.
Les acteurs judiciaires doivent alors faire preuve de professionnalisme, d’intégrité et d’impartialité en évitant tout ce qui peut créer un climat de méfiance à l’endroit de la justice, garant de la bonne gouvernance.
L’administration pénitentiaire se doit de son coté être attentive au respect de la dignité humaine et montrer que l’univers pénitentiaire doit être un univers de sécurité mais aussi de préparation des détenus à la sortie et à leur réinsertion afin de prévenir tout risque de récidive.
Cette préparation résulte de la volonté des acteurs de la chaîne pénale et du comportement individuel du détenu.
De sa part, le gouvernement du Burundi a manifesté sa volonté à assurer une justice pour tous et à assurer une justice pénale humanisée en créant au sein des juridictions et des parquets des chambres spécialisées pour mineurs et pour les cas de violences basées sur le genre. Les textes de lois dans ce domaine ont vu le jour ou ont été améliorés pour une justice équitable. De par la loi n°1/09 du 11 mai 2018 portant modification du code de procédure pénale, l’on voit la volonté de réduire les délais de détention ; quant à la loi n°1/24 du 14 décembre 2017 portant révision du régime pénitentiaire, il démontre la volonté de préparer les détenus condamnés à une bonne réintégration sociale, de manière à être utiles pour eux-mêmes et pour la société burundaise toute entière aussitôt après avoir purgé leurs peines carcérales.
La grâce présidentielle (voir décret n°100/08 du 23 janvier 2019) comme la libération conditionnelle prévue par le code pénal constitue des mécanismes de désengorger les établissements pénitentiaires.
Malgré tous ces efforts, on constate que les cachots et les prisons restent malheureusement surpeuplés. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la vie quotidienne des détenus, mais aussi sur le budget de l’Etat qui doit subvenir à leurs besoins durant leur séjour aux établissements pénitentiaires.
Pour pouvoir dégager l’état des lieux dans les cachots , prisons, parquets et juridictions ; et dans le cadre de l’article 163 de la Constitution qui lui consacre les pouvoirs du contrôle de l’action gouvernementale, le Bureau du Sénat, par le biais de la Commission permanente en charge des questions institutionnelles, juridiques et des droits et libertés fondamentaux a organisé des descentes sur terrain pour recueillir les informations auprès des responsables des établissements pénitentiaires, des centres pour mineurs, des cachots des commissariats et des communes ainsi que les représentants des détenus.
Ces descentes ont été effectuées dans les provinces de Muyinga, Ngozi, Rumonge, Ruyigi,en Mairie de Bujumbura ainsi qu’en province de Gitega les 2,3,4 et 8 décembre 2020.
Les membres de la Commission permanente chargée des questions institutionnelles, juridiques, des droits et libertés fondamentaux se sont subdivisés en deux groupes pour les descentes des 2,3 et 4 décembre 2020 :
Toutes les deux équipes ont travaillé ensemble le 8 décembre 2020 dans la province de Gitega.
Ces descentes avaient comme objectifs de :
Dans chaque province visitée, les sénateurs ont commencé par se présenter à l’autorité provinciale ou à l’administrateur de la commune concernée de la Mairie de Bujumbura.
Dans certaines localités, ils ont échangé avec ces autorités sur les points suivants :
Pour la paix et la sécurité, la situation est normale partout.
En ce concerne les boissons prohibées, depuis la décision de sanctionner les administratifs à la base des localités dans lesquelles ces boissons seront identifiées, des améliorations ont été enregistrées.
Pour ce qui est de l’encadrement des coopératives Sangwe, les autorités contactées affirment que c’est un travail délicat, où il faut une sensibilisation des intellectuels natifs de ces collines pour soutenir ces coopératives et faire comprendre aux membres que les dix millions leur octroyés doivent être remboursés pour soutenir les autres.
S’agissant de la construction des bureaux de chefs de collines, c’est un travail qui continue, sauf en Mairie de Bujumbura où les chefs de quartiers travaillent aux chefs lieux des zones.
Concernant la santé, il faut signaler que les mesures de prévention du Covid-19 restent de rigueur partout dans le pays.
En ce qui est de l’environnement, les autorités qui se sont entretenues avec les sénateurs sont conscientes de la nécessité de préserver l’environnement, raison pour laquelle des pépinières ont partout été aménagées à cet effet.
Quant à l’éducation, la province de Rumonge et la Mairie de Bujumbura connaissent des cas d’abandons suite aux grossesses mais aussi pour des raisons de commerce. Signalons aussi qu’en Mairie de Bujumbura, les effectifs sont très élevés au point qu’il y a des élèves qui suivent les cours étant assis au sol ( cas de l’ECOFO KANYOSHA II).
III.1. Province Rumonge ( le 2/12/2020)
Les sénateurs ont visité :
III.2. Mairie de Bujumbura
Les sénateurs ont seulement visité deux communes : MUHA et MUKAZA. Il faut noter que pour la Mairie de Bujumbura, la commune possède les mêmes organes judicaires qu’une province, raison pour laquelle les sénateurs n’ont pas pu parcourir toutes les communes suite au temps limité.
III.3 Province Ruyigi ( le 2/12/2020)
III.4. Province Ngozi (le 3/12/2020)
N.B Il y avait une visite du Chef de l’Etat par conséquent on n’a pas pu trouver les responsables des autres instances judiciaires.
III.5. Province Muyinga (le 4/12/2020)
III.6. Province Gitega (le 8/12/2020)
–Parquet Gitega
-Prison centrale de Gitega
-Cachot de la police judiciaire de Gitega
Pour toutes les structures visitées, les personnes contactées apprécient la collaboration entre les différents acteurs dans le cadre de la quadrilogie (inyabune). A part dans peu de localités où on déplore le comportement de certains administratifs à la base (chefs de collines ou quartiers) qui signent des documents de vente de parcelles sachant que la même personne a déjà vendu la même parcelle à une autre personne, ou qui ont un côté penchant lors du traitement des litiges (aka mwana wa mama kubera bafise ivyo bapfana canke bahurirako).
Certains procureurs déplorent aussi le comportement de certains administrateurs/ gouverneurs qui ont tendance à leur montrer qu’ils sont sous leur contrôle direct alors que la loi est claire quant à la hiérarchie dans les différents services.
On a aussi évoqué des cas de pression qui peuvent être exercés à l’endroit des juges pour les dossiers dits sensibles, surtout les dossiers relatifs à la sécurité intérieure de l’Etat.
Dans les parquets et TGI de Rumonge et de Ruyigi, les locaux sont exigus. Mais il a été signalé à Rumonge qu’un terrain est disponible pour la construction des locaux, reste le budget y relatif. A Ruyigi, il ya des immeubles appartenant à la Maison Shalom non occupés, l’Etat peut les récupérer et les réhabiliter afin qu’ils soient utiles à la nation.
On a confirmé qu’aucun mineur ne peut être écouté sans assistance ; partout il existe des avocats points focaux chargés de suivre leurs dossiers. Les personnes vulnérables bénéficient aussi de l’aide légale.
La chaîne pénale constitue un cadre de communication et d’échange sur l’état de la criminalité, mais le constat est que celle-ci n’est pas fonctionnelle dans certaines localités. Toutefois, il a été signalé que les réunions de sécurité tenues régulièrement par les autorités administratives peuvent suppléer à cette lacune.
Les procureurs font régulièrement les inspections dans les cachots et prisons sis aux chefs lieux des provinces, cette activité se fait rarement dans les cachots des communes éloignées de leur lieu de travail faute de moyen de déplacement. On a noté que l’administration pénitentiaire n’arrive pas de sa part à faire les inspections prévues par le règlement d’ordre intérieur des prisons.
Les infractions qui viennent en premier lieu varient d’une région à une autre ; la délinquance des mineurs diffère de celle des adultes et celle des hommes diffère de celle des femmes. Dans l’ensemble, on enregistre beaucoup de cas de vol qualifié, de viol, d’escroquerie, d’abus de confiance, de lésions corporelles et de violences extraconjugales. A Bujumbura les cas de stellionat sont fréquents. Les femmes et les filles sont pour la plupart accusées d’avortement, d’infanticide, d’empoisonnement et de boissons prohibées. Les garçons mineurs sont en grande partie accusés de viol.
Dans les prisons visitées, le nombre de détenus préventifs (détenus dont les dossiers ne sont pas encore fait objet de jugements définitifs) est inférieur au nombre de condamnés.
Pour ce qui est des conditions de vie des détenus dans les prisons, la ration journalière est de 350 gr de haricots, 350 gr de farine, 6 gr de sel et 25 gr d’huile. La même ration est donnée aux nourrissons dont les mères sont détenues.
L’eau est accessible aux détenus que ce soit dans les cachots que dans les prisons.
Il existe des infirmeries à l’intérieur des prisons et les cas graves sont transférés aux hôpitaux publics.
Pour ce qui est du costume pénal, il n’est pas régulièrement distribué aux prisonniers d’après les informations recueillies.
Grâce à l’appui des ONG et associations locales, les mineurs garçons apprennent l’alphabétisation, la couture et la menuiserie. En plus de l’alphabétisation et de la couture, les filles mineures s’occupent par la vannerie et le tricotage. Chez les prisonniers adultes, on n’a pas trouvé de programmes d’activités organisés par les établissements pénitentiaires. Certains d’entre eux s’occupent par la vannerie.
Dans les juridictions, on a constaté beaucoup de litiges fonciers qui attendent le constat et la vérification.
Le TGI Muyinga a une particularité : les dossiers répressifs en cours dépassent les dossiers civils. On dénombre 3458 dossiers répressifs. De ces dossiers,2573 sont des dossiers à prévenus libres.
Notons que les centres de rééducation pour mineurs en conflit avec la loi accueillent les mineurs de 15 à 18 ans. On a 2 centres mineurs pour garçons sur tout le territoire national, le centre de Ruyigi et le centre de Rumonge. Quant aux filles mineures de tout le pays, elles ont un quartier spécial à la prison-femmes Ngozi.
Soulignons que les problèmes majeurs qu’ils rencontrent dans l’accomplissement de leur mission sont presque les mêmes pour toutes les structures visitées. Il s’agit notamment: du manque de moyen de déplacement et de matériel bureautique, de l’insuffisance du personnel ainsi que la population carcérale dépassant largement la capacité d’accueil des prisons. Les délinquants primaires peuvent devenir des criminels car, dans toutes les prisons, les détenus provisoirement ne sont pas séparés des condamnés ; en plus, les adultes et les mineurs ne sont pas séparés dans les cachots de police. Le problème d’escorte des prisonniers vers les parquets et les juridictions constitue aussi une entrave au traitement des dossiers.
Certains prisonniers disent qu’on leur refuse l’autorisation de sortir pour se faire soigner et de l’avis de tous les détenus contactés, la ration alimentaire journalière est insuffisante. Par ailleurs, il arrive qu’on trouve à la prison un condamné ayant déjà purgé sa peine.
IV.1. Le manque de moyen de déplacement
Le manque de moyen de déplacement est un problème majeur, qui est commun aux services judicaires. Même ceux qui possèdent des véhicules, ils sont en très mauvais état. Ils font souvent recours aux commissaires de la police pour le déplacement des détenus. Ils ont souligné que les véhicules récemment octroyés aux administrateurs communaux peuvent aussi aider quelques fois dans le déplacement des auteurs d’infractions.
Toutefois, ce problème constitue un handicap pour les magistrats des parquets qui doivent effectuer des inspections dans des cachots des communes un peu éloignées de leur poste de travail.
Pour les tribunaux de grande instance, les constats, les vérifications et les exécutions des jugements ne sont pas exécutés à bref délai.
Les OPJ se trouvent dans l’impossibilité de respecter les délais de détention.
Quant aux prisons et centres de rééducation pour mineurs en conflit avec la loi, c’est un casse tête lorsqu’il faut déplacer les détenus jusqu’aux juridictions et surtout s’il y a un détenu malade qui ne peut pas être soigné par les services de santé à l’interne là où ils existent. Signalons que le Centre pour mineurs de Ruyigi n’a pas d’infirmerie.
IV.2 Insuffisance de matériel bureautique
Au niveau de toutes les structures visitées, les responsables ont fait savoir qu’ils font face à un manque criant de papiers, fardes, stylos, photocopieuses et ordinateurs de bureau. Ils déplorent le fait qu’ils sont parfois obligés de mendier du papier dans les autres services de l’Etat avoisinants, allant même à demander aux parties en conflit de faire des photocopies ou amener du papier elles mêmes pour pouvoir permettre à leur dossier d’avancer.
IV.3. Insuffisance du personnel
Au niveau des parquets et TGI, on a fait remarquer qu’il y a un déséquilibre entre le personnel y affecté et les dossiers à traiter. De plus, les personnes promues à d’autres fonctions ne sont pas immédiatement remplacées.
Dans une des localités visitées, on fait recours à un planton pour assurer la fonction de chauffeur alors qu’il n’a pas été engagé pour ça.
IV.4 Une population carcérale très élevée
La capacité d’accueil des prisons a été largement dépassée, ce qui n’est pas sans conséquence que ce soit au niveau de la vie des personnes détenues, mais aussi au niveau du budget de l’Etat qui doit subvenir à leurs besoins.
N° | Etablissement pénitentiaire | Capacité d’accueil | Population carcérale au moment de la visite | Effectif au delà de la capacité d’accueil |
1. | Prison centrale de Rumonge | 800 | 1042 | 242 |
2. | Centre de Rééducation pour mineurs en conflit avec la loi de Rumonge | 72 | 77 | 5 |
3. | Cachot du Commissariat Provincial de Rumonge | 60 | 73 | 13 |
4 | BSR | – | 108 | |
5. | Prison centrale de Mpimba | 800 | 4850 | 4050 |
6. | Cachot de la zone Musaga | 20 | 6 | -14 |
7 | Prison Ruyigi | 300 | 893 | 593 |
8 | Prison-Homme Ngozi | 400 | 1718 | 1318 |
9 | Prison Muyinga | 300 | 531 | 231 |
10 | Prison Gitega | 400 | 1437 | 1037 |
11 | Prison-Femmes Ngozi | 250 | 139 dont -121 femmes -18 filles A cela s’ajoutent 17 nourrissons. | |
12 | Cachot PJ Muyinga -Hommes | -36 hommes dont 2 mineurs | ||
13 | Cachot PJ Muyinga -Femmes | -3 femmes | ||
14 | Cachot PJ Gitega | 88 détenus dont 77 hommes et 11 femmes. Des 88 détenus, 3 sont mineurs. |
Pour le cas de la prison centrale de Mpimba, il faut souligner que la plupart des prisonniers passent la nuit à la belle étoile, ne pouvant même pas s’abriter en cas de pluie.
Quelques solutions ont été proposées par les personnes contactées afin de mieux travailler et surtout dans le sens de désengorger les prisons.
La loi portant révision du régime pénitentiaire donne une solution à ce problème. Il dispose en son article 54 : « La détention prend fin à l’expiration de la peine en cas de condamnation à une servitude pénale. Le directeur de l’établissement pénitentiaire le constate deux mois avant et en avise immédiatement le Ministère Public du ressort de la juridiction qui a rendu la décision. Passé ce délai, le directeur de la prison procède à l’élargissement du détenu. La copie de la pièce d’élargissement est transmise au Procureur de la république du ressort pour information ». Les directeurs des prisons sont alors appelés à être plus vigilants et à bien collaborer avec les responsables des parquets.
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